FURTIVE    ou    le départ de Vénus   <>   Novembre 2022

tilleul   --   140 x 40 x 10 cm

oOo

Nous avons ici une jeune femme qui nous quitte à pas mesurés. Elle s’en va furtivement sur la pointe des pieds ... De son corps, nous ne voyons que le dos.

L'avant de son corps est absent, comme happé par une cloison, tel le Passe-Muraille de Marcel Aymé. Tout au long du travail, cette pensée a été là, ainsi qu’une autre image : celle de la jeune femme peinte par Botticelli dans son tableau "la naissance de Vénus" où, de face, elle surgit du néant...  J’ai donné ce sous-titre à mon œuvre pour souligner cette inversion :           de-face = apparition    <>   de-dos = départ   ...

Je suis pleinement dans un nouveau cycle de création, à la recherche de poses sensuelles du corps féminin (nuque et dos / abandon / eva naissante / ondine). Furtive est dans cette lignée et sa pose m'a été suggérée par une photo sur laquelle j'ai aimé d'emblée le geste tout féminin de la main gauche dans la chevelure. J'ai aimé aussi le déhanchement résultant de la marche, qui rompt la symétrie du corps en renforçant le profil gauche, en arquant la colonne vertébrale et en faisant disparaître la jambe gauche derrière l’autre. Le losange en haut des cuisses où se dissimulent les lèvres féminines focalise l’émotion.

Mais d’une photo, par définition plane, il faut en extraire les différents reliefs. Par exemple pour la main gauche, je n'ai quasiment pas enlevé de matière et le métacarpe du pouce a conservé longtemps les traces de sciage initial du plateau de tilleul. A l’inverse, la taille fine de furtive a nécessité l’enlèvement de nombreux copeaux pour en restituer la double courbure ! Pour les formes musculaires j'ai étudié patiemment le livre "Anatomie pour les Sculpteurs" dont je vous ai déjà parlé, devenu un temps mon livre de chevet ! J'ai ainsi pu restituer assez précisément le deltoïde de l'épaule gauche, le dorsal de l'omoplate droite, le triceps du bras droit, le mollet de la jambe. La cheville a été ma dernière difficulté : placer les malléoles interne et externe relativement au talon et aux orteils a été là aussi un long travail de réflexion et d'analyse de la morphologie du pied …

Voilà le résultat de ce travail, coupé par de nombreuses périodes d'arrêt et de prise de recul ... Pour une sculpture de cette taille (ma première œuvre qui dépasse largement le mètre), j'ai trouvé encore plus important de savoir s'arrêter, ... "redécouvrir" l'ensemble le lendemain … et porter comme un œil neuf qui sait voir le détail rompant l'harmonie générale.

La finition a été un peu délicate car j'avais commencé au racloir comme beaucoup d'autres sculptures (parapluie, ondine, etc) mais ici, le tilleul est un bois trop contrasté en dureté entre le bois de printemps et le bois d'automne, et vouloir supprimer certaines traces de gouge au racloir amène à créer des cuvettes entre les cernes selon la direction du geste. Sur les conseils de Jacques, j’ai donc réellement terminé le poli du corps par un ponçage efficace, avec un grain assez gros pour restituer le soyeux de la peau.

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posté le 8 Novembre 2022